cover-nous-etions-dieu

Nous étions Dieu (2010)

Date de sortie : 01/01/2010
Format : CD

Share

×

Label : Kwaidan Record

Premier album (LP / 10 titres), produit par Marc Collin et réalisé par Nicolas Comment & Xavier Waechter.

Lire la revue de presse (partie 1)
Lire la revue de presse (partie 2)

 

L’histoire commence à Berlin où, suite à une grève des aiguilleurs du ciel (et bloqué dans cet espace des possibles où il est amené à faire le point), Nicolas Comment se décide un beau jour à écrire et composer un premier album. Au retour, la suite est heureuse : Rodolphe Burger lui passe les clefs de son studio pour la réalisation d’une maquette. Là, enfermé quinze jours avec des amis dans une ferme alsacienne, Nicolas en ressort avec une dizaine de morceaux. Est-ce l’Est ? (Berliner Romanze) voit le jour : un livre-disque diffusé uniquement en libraire et produit sur un coup de cœur par Jean-Louis Piérot (Les Valentins, Daho, Miossec etc.) .

Mais déjà, Nicolas s’entretient avec l’écrivain Patrick Bouvet (In Situ, Shot) de son envie d’en découdre et d’attaquer rapidement la suite. Ce dernier travaille alors sur un projet assez radical avec Marc Collin : Pulsion phantom (artefact sonique nimbé de culture new-wave et de cinéma fantastique où Nicolas donnera bientôt la réplique à Helena Noguerra). Cette rencontre inopinée avec le producteur de Nouvelle Vague entraîne bientôt les deux hommes dans un petit resto de l’île de la Cité où rendez-vous est pris un mois plus tard en studio pour attaquer un nouvel album.

Très vite, sur la mise à nu de 25 chansons maquettées, Marc Collin sélectionne tous les titres chantés en talk over avec un souci prononcé des rythmiques et (Berlin oblige) de la belle mécanique sensorielle de la Motorik allemande (Neu !, La Düsseldorf etc.) Improvisé en une nuit à Marseille avec Xavier Waechter (le complice bassiste), Je te vœux donnera rapidement le ton de l’album : imaginez un disque où Gainsbourg aurait été produit par The Cure ou Martin Hannett…

Avec audace, tandis qu’on les épouse, les chansons de Nicolas Comment imposent un ressenti qui ira en s’accentuant. De l’allure, de la découpe et une sacrée dégaine : c’est Manset au volant d’une décapotable (La ferme en flammes), ce sont des paysages brûlés dans des cadres à la Phillipe Garrel (Campagne dernière), des Suicide Girls en goguette dans les ruines de jardins anglais (Le désert de Retz)… Nicolas Comment s’enroule dans la langue, se drape dans ses tissus et son champ langagier du velours : « le ruban de la route, aurait-on pu dire, filait dans le rouleau d’une machine à écrire… »

La production sans concession de Marc Collin vient faire claquer ces (w)esterns pop über-alles (Nous étions Dieu) où se meut, captive et kamikaze, la glaise d’une chanson française réduite à l’essentiel. « À point, saignante ou bleue (ouverte) », la langue désirée par Nicolas Comment fraie aux arrêtes limitrophes, de cette mise à sac de la strophe qui, dans une supplique ingénue implore : « Ne me mets pas nue ». Comme dans un film de Bresson, par un jeu de résonances, l’écho d’une direction mélodique, les silences confient alors à l’auditeur le soin d’imaginer la scène : un duel au fleuret où les mots et la musique en de parfaits rivaux, nus sur un piédestal, ferraillent à l’aune d’un certain idéal…

Fabrice Delmeire,

Rédacteur en chef du magazine Rifraf, Bruxelles.