Est-ce l’Est ? (2008)
Format : CD
Le CD-livre Est-ce l’Est ? (Berliner romanze) est un film fixe, un disque imagé. C’est une ballade photographique et musicale dans l’ancien Berlin Est, hanté par le spectre du Mur et des totalitarismes, mais également par la musique de Lou Reed.
Les photographies couleurs ainsi que le texte de Nicolas Comment et un mini-album concept de 6 chansons (Est-ce l’Est ?, Birgit, Tout autour, Baisers de Prenzlauer, Sur la Tor, U-bahn) ont été conçus à Berlin.
Pour l’une des toutes premières fois, photographies et chansons – deux arts « de demi-teinte » – sont ici réunis pour former un tout cohérent dans cet objet original et collector. Roman visuel et sonore, Est-ce l’Est ? (Berliner romanze) est autant un livre de photographies qu’un disque de rock : produit par Jean-Louis Piérot et Philippe Balzé (producteurs et réalisateurs notamment pour Etienne Daho, Christophe Miossec, Alain Bashung, Yves Simon etc.)
» Il y a quelques années, une grève des aiguilleurs du ciel me pièga dans Berlin où j’avais été contraint de rester plus de temps que prévu. J’avais erré plusieurs jours dans cette ville – ne comprenant pas la langue et ne connaissant personne –, seul comme jamais. Pour la première fois depuis très longtemps, isolé sans avoir rien à faire ni personne à voir, je me retrouvais-là par hasard un peu comme on se retrouve un jour dans une ville natale qu’on avait fuit adolescent. Et de fait j’étais dans Berlin comme dedans le salon familial : les images de la chute du Mur que j’avais vu enfant à la télévision se mêlaient aux réminiscences des chansons que David Bowie, Brian Eno et Iggy Pop avaient créés ici dans le mythique studio Hansa by the Wall à la fin des années 70 et qui constituaient pour moi un véritable « Mur du Son ». J’étais photographe et me rendais compte que j’avais très envie de refaire de la musique. Durant dix ans, j’avais mis de côté mes velléités musicales au profit de l’image, mais l’envie était toujours là et je sentais qu’il allait bien falloir qu’un beau jour je m’interroge enfin sur la persistance de ce désir.
Un mois plus tard le prétexte d’une exposition de photographies me permit de revenir dans cette ville où j’avais eu le sentiment d’avoir laissé « quelque-chose » derrière moi. J’étais venu de Paris avec un ami, dans une vieille Fiat noire cabossée qui avait crevé le soir même de notre arrivé… Durant un mois – à la recherche de ce « je-ne-sais-quoi » – nous parcourûmes donc la ville de long en large avec une roue de secour rouge vif, symbole de ce périple berlinois que nous surnommèrent alors La Rouge Roue comme un titre de roman ou de film… Mais en fait de roman ou de film – au retour – j’écrivis alors une poignée de chansons …
Peu de temps après, une rencontre me rapprocha tout à coup du monde de la musique : une longue et riche collaboration avec Rodolphe Burger m’offrit en effet la possibilité d’observer de près Jacques Higelin, Alain Bashung et un certain nombre d’autres musiciens… Durant cette période, Burger me fit alors le cadeau de pouvoir enregistrer dans sa ferme-studio alsacienne, une toute première maquette dans laquelle se trouvaient notamment les chansons écrites à Berlin…
Je poursuivis en parallèle mes activités photographique et me rendis donc comme presque chaque année aux Rencontre Internationales de la Photographie d’Arles qui avaient la particularité d’accueillir cet été-là un concert exceptionnel de Lou Reed. Il s’agissait justement de la tournée « Berlin » – album jamais joué sur scène – que Reed interprétait pour la première fois avec les arrangements de l’époque… Mais ce soir-là eut lieu un micro-évènement d’apparence anodine : à la fin du concert quelqu’un me bouscula, semblant chercher quelque chose par terre, puis disparu. Dans le doute – il faisait noir – j’allumais un briquet puis me penchais : un petit triangle de plastique jaune, à mes pieds, attira vite mon attention. Le saisissant et le retournant dans ma paume je découvris alors en lettres capitales gravé sur une face le nom de LOU REED… Ce simple médiator avec lequel l’ex-leader du Velvet Undergroung venait tout de même de jouer pendant une heure et demie me donna une idée : pourquoi ne pas tenter de réaliser un premier objet réunissant mes chansons berlinoises accompagnées de mes photographies de la capitale allemande ? Quelque chose qui soit à la fois une revisitation de Berlin et un tribute à la musique que j’aimais sous la forme d’un livre de photographies accompagné d’un mini-album-concept (et vice et versa). Bref, une ballade photographique et musicale dans l’ancien Berlin Est – hanté par le spectre du Mur et des totalitarismes mais également et surtout désormais habité par le souffle porté de la réunification et du sentiment européen –…
Ne restait plus alors qu’à attendre patiemment un autre coup de chance – qui eut lieu sous les auspices d’Yves Simon (lors d’une commande photographique sur l’enregistrement de son dernier album) – pour qu’une rencontre importante avec Jean-Louis Piérot (Ex-Valentins, producteur de Daho, Miossec, Bashung etc.) et Philippe Balzé – alors en train de créer leur propre studio et un tout nouveau label – puisse avoir lieu… Puis l’été passa, jusqu’à ce qu’un beau matin, à la terrasse du Saint-Jean, Jean-Louis et Philippe me proposent d’être leur « première signature »… Tandis qu’avec la complicité d’Anne Claverie (d’Absolute Managment) et de Patrick Le Bescont (des Éditions Filigranes) nous évoquions la marche à suivre pour réaliser l’objet que vous avez dans les mains, me revint en mémoire l’image de la roue rouge : je compris alors qu’elle n’avait pas cesser de tourner et qu’il s’agissait bien en fait d’un disque. » N.C.